Article de Frederic Bonneau / revue Catholique "la nef" du mois de Janvier 2006
"Discrimination. Le mot s'est imposé dans le vocabulaire politique l'an
dernier. Discriminés, les jeunes émeutiers de novembre! Plus de 9000
véhicules brûlés ; des écoles, des églises, des commerces incendiés: 200
millions d'euros de dégâts à la charge des assurances; 126 policiers et
gendarmes blessés; un mort : un paisible retraité frappé par un voyou qui
courait toujours à la fin du mois de décembre. Qu'importe! Le gouvernement,
qui ne veut voir dans ces violences qu'une jac querie sociale, prépare une
loi sur I' égalité des chances, pour mettre un terme aux discriminations que
subiraient les " jeu nes " en question.
Discriminés aussi, les militants homo sexuels qui revendiquent le « droit »
au mariage et à l'adoption, mais dont les exactions ne sont pas
sanctionnées : les auteurs de la profanation de Notre-Dame de Paris, qui y
ont célébré un simulacre de mariage homosexuel début juin, n'ont pas été
poursuivis, malgré les violences infli gées au recteur de la cathédrale.
Alors qu'un député qui leur conteste ce droit, Christian Vanneste, est
traduit en justice! Mais, qu'importe, là aussi : la mission par lementaire
sur la famille, créée par Jean -Louis Debré, s'apprête à proposer une
réforme du Pacs, selon les souhaits des associations homosexuelles.
Discriminés enfin les Noirs de France qui, se disant descendants d'esclaves,
ont créé le 26 novembre, à l' Assemblée natio nale, le Conseil représentatif
des associa tions noires! Le but de ses fondateurs : exprimer « le besoin de
reconnais sance et de mémoire » lié à l'his toire de la colonisation, mais
aussi « établir un bilan des discri?minations ethno-raciales » dont ils se
disent victimes. Et ça marche! La polé mique sur l'esclavage, rétabli dans
les colonies par Napoléon en 1802, a pris un tour si vif que ni Jacques
Chirac, ni Dominique de Villepin n'ont osé partici?per à la commémoration de
la bataille d'Austerlitz, le 2 décembre, de peur de contrarier les militants
noirs.
Mais, de tous les hommes politiques, le plus sensible aux arguments de ces
com munautés est Nicolas Sarkozy. Le prési dent de l'UMP n'est pas seulement
décidé à accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales s'il
succédait à Jacques Chirac en 2007. Il s'est fait, aussi, le propagandiste
d'une politique importée des États-Unis : la discrimination positive. La
mise en place de cette politique pou vait se justifier, en Amérique, par la
volonté d'effacer un siècle de ségrégation raciale, dont les Noirs furent
victimes depuis l'abolition de l'esclavage, en 1865, jusqu'à l'arrêt Brown
du 17 mai 1954: ce jour-là, la Cour suprême mettait un terme à la
ségrégation sco laire, jugée non conforme à la Constitution des États Unis.
« On ne peut pas rendre sa liberté à un homme qui, pen dant des années, a
été entravé par des chaînes, l¹amener sur la ligne de départ d'une course,
lui dire qu'il est libre de concourir et croire qu'on est ainsi parfaitement
juste », déclara le président Lyndon Johnson en 1965, peu après l'adoption
du Civil Rights Act. Il s'agit bien de réparer les dégâts humains liés à la
ségrégation en adoptant des mesu res concrètes en faveur des Noirs, puis
d'autres minorités ethniques - l'en semble de ces mesures formant ce qu'on
appelle la discrimination positive (affir mative action, aux États-Unis).
Or, jamais la France n'a pratiqué sur son territoire, ni contre les Noirs,
ni contre les Maghrébins, de politique de ségrégation qui justifierait
l'adoption, à leur profit, de mesures de discrimination positive. Les deux
nations sont trop différentes pour qu'on applique, ici, une politique étran
gère à notre histoire.
L¹exemple des États-Unis n'en est pas moins instructif par ses dérives. Il
n'était pas dans l'intention du législateur améri cain d'imposer des quotas
ethniques, ni pour l'attribution d'emploi, ni pour l'ad mission aux
universités. Mais comment vérifier l'efficacité de cette politique sans
dénombrer ses bénéficiaires ? C'est ce qui a conduit la Commission de l'
égalité des chances pour l'emploi (Equal employment opportunity commission)
et d¹autres agen ces fédérales à mettre en ¦uvre une sorte d' « arithmétique
raciale » dans le but d'assurer la promo tion de minorités censément
défavorisées. Quoi qu'en disent ses partisans, qui vou draient le
dissimuler, la discri mination raciale conduit for cément aux quotas
raciaux.
Communautarisme
Encore est-ce possible aux États-Unis, dont les habitants se définissent par
leur apparte nance à des groupes ethni?ques : Amérindiens, Afro -Américains,
Blancs, Hispani ques, Asiatiques. Mais en France ? La Constitution « assure
l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de
race et de reli gion ». Veut-on revenir sur cette histoire, au risque d'atti
ser Ies querelles ethniques ? Ceux qui plaident pour le modèle
communautaire, en tirant argument de la faillite du modèle d'intégration
fran çais, en ont-ils mesuré tous les effets ? La discrimination posi tive
aurait pour conséquence l'affirmation des identités étrangères sur le sol
français, qui plus est aux frais de la République ou, si l'on préfère, des
contribuables...
les États-Unis en ont mesuré Ies effets pervers depuis vingt-cinq ans. La
criti que la plus sévère est venue d¹un homme d'affaires califor nien, Ward
Connely. Selon lui, l'admission d'étudiants à l'Université sans considéra
tion de leurs mérites a conduit à la dévalori sation des diplômes, sans ga
rantir le succès des élèves issus de minorités ethniques : ceux qui n'ont
pas les compétences pour suivre un cursus long n'obtiennent pas leur
diplôme, ou ne le décrochent qu'à l'usure. Connely a obtenu que les
universités de Californie et de Washington démantèlent leur dispositif
d'affirmative action. Résultat : le nombre des étudiants noirs admis a
chuté, surtout au bénéfice des Asiatiques, principales victi mes de la
politique de discri mination positive. Précision : Ward Connely est noir.
La Halde
La France paraît pourtant vouloir ignorer les leçons de l'expérience
américaine. L¹an dernier, Jacques Chirac, a ins?tallé la Haute autorité de
lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), dont il a confié
la présidence à l'an cien patron de Renault, Louis Schweitzer, qui fut aussi
le directeur de cabinet de Laurent Fabius pendant plu?sieurs années. Dotée
d'un budget de plus de 10 millions d'euros, cette instance occupe de
somptueux locaux rue Saint-Georges, à Paris. Elle emploie une cinquantaine
de personnes, dont la moitié de Juristes.
Depuis sa création, la Halde a reçu plus d'un millier de réclamations, la
moitié con cernant des discriminations supposées à l'embauche. Bien que ce
ne soit pas une juridic tion, le gouvernement a déci dé de la doter d'un
pouvoir de sanction financière, sans pré judice des décisions des tribu
naux : une sorte de double peine, en somme. C'est la Halde qui, en octobre,
avait contraint la RATP, malgré les protestations des familles, à diffuser
la campagne d'affichage du salon Rainbow Attitude, où l'on voyait deux
homosexuels s'embrasser. Au nom de la lutte contre les dis criminations..."
F.B.